mercredi 15 février 2017

Le Decodex du Monde : entre inquisition et 1984

Le Decodex du Monde : entre inquisition et 1984

Les Décodeurs du Monde, qui font souvent – mais pas toujours - un bon travail, ont lancé le Decodex, un outil d'évaluation de la fiabilité de l'information des sites Internet. Mais les premiers listings, avec la mise à l'index de Jacques Sapirou Olivier Berruyer, révèlent une chasse aux sorcière bien peu factuelle.



Le Ministère de la Vérité du 21ème siècle

Le débat sur les fausses informations circulant sur Internet a pris de l'ampleur après l'élection surprise de Donald Trump. Même s'il est vrai qu'il y a à boire et à manger sur la toile, il n'est pas inintéressant de noter que c'est après deux revers majeurs des élites politico-médiatiques (le Brexit et l'élection étasunienne) que celles-ci disent s'en emparer, moyen de dire implicitement que si leurs idées sont défaites, c'est forcément par le mensonge… Après les initiatives annoncées en novembre par Facebook et Google, le Monde s'est institué comme le grand censeur de notre époque en classant des centaines de sites selon la fiabilité de l'information qui s'y trouverait, officiellement de manière objective.



Mais toute cette entreprise, contestable sur le principe de la part d'un organisme de presse s'instaurant en Primus inter Pares, perd toute crédibilité par le classement des blogs d'Olivier Berruyer et Jacques Sapir, deux des blogs indépendants les plus populaires sur Internet. Où l'entreprise de tri du vrai et du faux tourne littéralement à une mise à l'index sur le modèle de celles pratiquées par l'Eglise au 16èmesiècle, où la ligne idéologique semble bien davantage la raison du dit classement que la fiabilité des informations. Si je suis souvent en accord avec eux deux, je ne le suis pas toujours (comme sur Charlie) mais tous les deux me semblent des modèles de ce que l'on peut trouver sur Internet.

Dans leurs livres ou leurs blogs, Sapir et Berruyer débattent de manière engagée, mais factuelle, sans tomber dans la démagogie, ou le mensonge. Et dans une époque bien trop uniforme, ils apportent souvent le sel du débat contradictoire dont notre société a bien besoin. Les mettre à l'index relève d'un dogmatisme effrayant. Olivier Berruyer a publié un long et robuste papier pour dénoncer la démarche, puis un autre, qui revient en détail sur les accusations qui lui valent sa mise à l'index, et les échanges occasionnés, Il a aussi remercié les journalistes et intellectuels qui l'ont soutenu. Enfin, il a donné une interview intéressante à Russia Today où il revient sur les conséquences de cet index.



Jacques Sapir a bien dénoncé le caractère orwellien de la démarche. Heureusement, quelques journalistes, comme Paul Moreira, Aude Lancelin, Daniel Schneidermann ou Vincent Glad ont pris la parole pour dénoncer les dérives du Decodex. Sur le Figaro, Eugénie Bastié pose la question « Qui fact-checkera les fast-checkeurs ? » et fait une synthèse très recommandable de tout ce qui pose problème dans la démarche du Monde et de Samuel Laurent. Au final, difficile de ne pas voir le caractère totalitaire de la démarche, en somme, paradoxalement assez poutinien, tout en parvenant à mettre la Russie du côté de la défense de la liberté d'expression et le Monde de celui de la censure…


Naturellement, Olivier Berruyer et Jacques Sapiront tout mon soutien dans ce nouvel épisode orwellien de notre démocratie bien malade. Au final, je veux croire que ce classement indigne restera sans conséquence sérieuse sur leur travail et leur crédibilité, et pourrait au contraire les renforcer, tant le Monde s'est éloigné de la référence qu'il a été. Faut-il y voir la nervosité de l'auto-proclamé camp du bien ?

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