mercredi 25 janvier 2017

Les graves effets des particules sur la santé

Les graves effets des particules sur la santé

 

 

L’impact sur la santé

AirParif nous montre ici les filtres de collecte de particules PM10 présents dans les appareils de mesure de la qualité de l'air, dans le centre de Paris, lors du pic de décembre 2016. Plus le filtre est foncé, plus il est chargé en particules fines :

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Filtre de mesure de la pollution aux particules après 24 heures de filtrage durant le pic de pollution du 7/12/2016 à Paris

On imagine ce qu'il se trouve dans nos poumons – vu qu’environ 15 000 litres d'air transitent chaque jour par nos voies respiratoires.

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1952 : Londres a testé pour vous…

Le grand smog de Londres (en anglais, The Great Smog, mot-valise formé à partir des mots anglais smoke [fumée] et fog [brouillard] – ou Big Smoke : « la grande fumée ») de décembre 1952 est le smog particulièrement dense qui recouvrit Londres durant la période allant du vendredi 5 au mardi 9 décembre 1952, considéré comme la pire pollution atmosphérique de toute l’histoire du Royaume-Uni.

La froide météo qui précéda et accompagna le smog eut pour effet que les Londoniens brûlèrent plus de charbon que de coutume pour lutter contre le froid, charbon de qualité médiocre durant l’après-guerre.

Il y avait également de nombreuses centrales électriques alimentées au charbon qui contribuaient à augmenter le niveau de pollution.

À tout ceci s’ajoutaient la pollution et la fumée produites par l’échappement des voitures — tout particulièrement celles qui venaient des autobus fonctionnant au diesel, qui venaient de remplacer le système de tramways récemment mis à la ferraille — ainsi que par d’autres sources industrielles.

Le jeudi 4 décembre 1952, un anticyclone s’installa sur la ville de Londres sans un souffle de vent, provoquant une inversion de température, avec de l’air très froid pris au piège sous un « couvercle » d’air chaud. Le brouillard résultant, mêlé à la fumée des cheminées, aux particules (par exemple celles émises par l’échappement des voitures) et à d’autres produits polluants (en particulier le dioxyde de soufre), se traduisit par l’apparition d’un smog persistant, qui recouvrit la capitale d’une épaisse couverture, dont la couleur jaune-noire (provoquée par la présence de particules de suie riches en goudron) lui valut son nom de « soupe de pois ». L’absence de vent empêcha qu’il se disperse et permit une concentration d’agents polluants sans précédent, d’autant que, juste avant cette épisode, des vents d’est avaient amené sur Londres de la pollution du continent.

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Le dioxyde de soufre émis par la combustion du charbon a joué un rôle clé dans l’origine du smog ; sa concentration était 7 fois supérieure à celle de l’année précédente à la même époque. Des travaux de 2016 indiquent que ce seraient les dioxydes de soufre et d’azote qui se seraient mêlés à des vapeurs d’eau, formant ainsi des particules d’acides sulfuriques et nitriques, qui auraient provoqué une intoxication massive ; il s’agirait donc d’une brume acide de grande envergure, concluent les scientifiques.

Bien que Londres ait été habituée aux brouillards épais, celui-ci était plus épais et dura plus longtemps qu’aucun autre avant lui : la visibilité était réduite à quelques mètres, et le smog dura du vendredi 5 au mardi 9 décembre.

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Dans les semaines qui suivirent, les statistiques élaborées par les services médicaux firent apparaître que le brouillard avait rendu 100 000 personnes malades, et tué 4 000 londoniens. La plupart des victimes étaient très jeunes, âgées, ou avaient des problèmes respiratoires préexistants. Dans la plupart des cas, la mort était provoquée par une infection des voies respiratoires due à une hypoxie ainsi qu’à l’obstruction mécanique du passage de l’air par le pus provenant de l’infection des poumons causée par le smog.

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Cependant, des recherches plus récentes ont montré que le nombre de morts liées au smog était largement sous-estimé : il serait nettement plus élevé, de l’ordre de 12 000 morts (source). Environ 8 000 décès d'origine cardiaque ou respiratoire se produisirent en effet dans les mois suivants et furent attribués au smog.

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Le pire est que ce bilan semble n'être pas encore clos : selon une étude de la Columbia University, son effet s'est fait sentir bien après chez les enfants alors âgés de 0 à 1 an (20 % d’asthme en plus dans l’enfance), et ce jusqu’à nos jours, soit plus de 60 ans plus tard (10 % asthmatiques en plus dans cette tranche d’âge). Ce qui confirme l'impact, observé lors d'autres études, d'une exposition précoce à la pollution de l'air, alors que les poumons se développent, sur le risque ultérieur d'asthme.

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La mortalité dramatique provoquée par le smog donna un élan important au mouvement moderne en faveur de l’environnement, et amena à repenser les phénomènes de pollution atmosphérique, car le smog avait fait la démonstration de son potentiel mortifère. Il constitua une impulsion majeure à l'adoption des lois de 1956 et 1968 sur la qualité de l'air au Royaume-Uni, qui restreignirent l’utilisation de combustibles polluant par l’industrie et proscrivant la fumée noire. Cela déclencha un mouvement planétaire, les États-Unis adoptant leur loi sur l’air en 1963

Cependant, si le mix de pollution observé lors du grand smog n'est plus le même sévissant actuellement dans les grandes villes occidentales, où le Dioxyde de soufre a très fortement diminué, il frappe encore les grandes métropoles asiatiques, notamment Pékin.

Les effets sur la santé

Les effets des aérosols sur la santé ont fait l'objet de nombreuses études et il est aujourd’hui admis que les particules jouent un rôle important dans les effets sanitaires engendrés par la pollution atmosphérique. Comme nous l’avons vu, la pollution de l’air tue des centaines de milliers d’européens tous les ans.

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Les principaux effets mis en évidence sont des troubles respiratoires mais aussi cardiologiques qui peuvent survenir à court terme (dans les quelques jours à quelques semaines suivant l'exposition) ou bien à long terme (suite à une exposition chronique sur plusieurs années). Les particules atmosphériques peuvent déclencher des réactions inflammatoires, une amplification des réactions allergiques, des maladies respiratoires obstructives chroniques (asthme, bronchiolites, rhino-pharyngites, excès de toux, hypersécrétion bronchique, des irritations oculaires…), un stress oxydant, mais aussi un remodelage irréversible des tissus pulmonaires et une modulation de l'expression des gênes pouvant conduire à l'apparition de cancers – les matières particulaires dans leur ensemble sont désormais classées cancérogènes pour l’homme. On constate à la fois une aggravation des affections respiratoires et une augmentation de l'incidence de ces maladies. Par ailleurs, les particules peuvent engendrer des effets néfastes sur le système cardiovasculaire. Ces différents effets peuvent se traduire notamment en termes de consultations médicales, d'hospitalisations ou de décès anticipés.

À ce jour, il n'a pas été mis en évidence de seuil en-dessous duquel les particules seraient inoffensives. En revanche, les concentrations accrues de particules augmentent les risques d'effets délétères (symptômes, hospitalisations, décès…). Les autres facteurs déterminants dans les effets sur la santé sont la taille, la morphologie et la composition chimique.

Les études expérimentales ont mis en évidence que les particules se déposent différemment dans les poumons en fonction de leur taille. Récemment, il a été démontré que les plus petites nanoparticules s'arrêtent pour la plupart aux niveaux supérieurs, tout comme les particules grossières.

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Cette figure correspond à la situation moyenne chez des personnes en bonne santé. Les dépôts sont beaucoup plus importants chez les personnes souffrant d'asthme ou de bronchite chronique.

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Les particules fines “plus grandes” sont capables de se répartir dans l'ensemble des voies respiratoires jusqu'aux alvéoles (en particulier les particules de type diesel) par lesquelles s'effectuent les échanges gazeux entre l'air et le sang, et persistent longtemps dans l'organisme, car elles résistent en partie aux processus d'élimination (mucus dans les bronches, macrophages dans les alvéoles). De plus, les très petites particules peuvent être en nombre très important, et elles offrent de ce fait une surface de contact plus importante que les grosses.

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Une particule de suie issue du diesel (par agrégation)

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sang

(Notez qu’un globule rouge fait environ 7 µm – comme une grosse PM10…)

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À gauche : poumon de fumeur ; à droite, poumon d’un habitant non-fumeur de Sydney

Voici un comparatif éloquent entre un poumon d’un habitant d’une ville saine (Vancouver) et des habitants de la très polluée Mexico :

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En résumé, la plupart des particules qui font :

  • plus de 1 000 nm (=1 µm) ou moins de 50 nm se déposent dans les voies respiratoires. En revanche, les particules qui font entre 100 et 600 nm ont une faible probabilité de se déposer ;
  • les particules de plus de 1 000 nm (ex : les bactéries) se déposent principalement dans la région extra-thoracique (nez, bouche, larynx). C'est aussi le cas des particules d'environ 1 nm ;
  • les nanoparticules de 10 à 100 nm (ex : les virus) pénètrent jusqu'aux alvéoles, là où se font les échanges gazeux avec le sang.

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Néanmoins la taille n'est pas le seul facteur, la morphologie des particules joue également un grand rôle. Par exemple, les particules d'amiante peuvent avoir une longueur de plusieurs microns, mais leur morphologie en forme de fibre leur permet de pénétrer très profondément dans les alvéoles pulmonaires.

 

Les particules peuvent ainsi passer des voies respiratoires au reste du corps : certaines nanoparticules qui se déposent sur la muqueuse nasale peuvent passer dans le nerf olfactif et de là au cerveau. C'est le cas par exemple du virus de la poliomyélite et des particules métalliques d'une dizaine de nanomètres. Comme on l’a vu, les nanoparticules peuvent aussi passer dans le sang au niveau des alvéoles pulmonaires. Dans certains cas, ce sont les composés chimiques présents dans la particule qui pénètrent après avoir été dissous et pas la particule elle-même.

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Passage de particules vers le cerveau

La nocivité des particules dépend de leur taille et de leur composition chimique. Pour une composition chimique donnée, l'inflammation pulmonaire déclenchée par l'inhalation de particules est fonction de la surface des particules et pas de leur volume. La nocivité des particules dépend aussi de leur composition chimique. Elles peuvent être constituées de nombreuses espèces chimiques (métaux lourds, dioxines, Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques …), dont certaines sont toxiques voire cancérigènes. La fraction carbonée (noir de carbone et composés organiques) est probablement la plus nocive mais les données actuelles ne permettent pas de faire un lien avec des composés spécifiques. Les spécialistes soupçonnent aussi les métaux présents dans les particules, mais il y a trop peu d'études pour conclure.

On connaît mal les mécanismes d'élimination des particules qui se déposent dans les poumons. En première approximation, on considère que :

  • les particules solubles sont dissoutes et absorbées ;
  • les particules insolubles qui se sont déposées dans la région trachéo-bronchique sont mises en mouvement par les cils des cellules qui tapissent la surface des bronches et repoussées dans le tube digestif (99 % des particules sont éliminées au bout de 48 heures). Une couche de mucus facilite le transport jusqu'au tube digestif. Ce mécanisme marche cependant mal pour les très jeunes enfants, surtout les bébés, ainsi que pour les personnes atteintes de pathologies telles que l'asthme ou la mucoviscidose ;
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  • les particules insolubles qui se sont déposées dans les alvéoles sont phagocytées par les globules blancs macrophages puis éliminées. Les nanoparticules fibreuses qui sont trop longues pour être phagocytées forment des points d'inflammation chronique (ex : amiante, grands nanotubes de carbone).
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Macrophage

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Macrophages avec du carbone inhalé (en noir)

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Par ailleurs, le système qui élimine les particules dans les poumons devient inefficace si la concentration de particules est excessive (il est surchargé). On constate alors que des particules habituellement sans effet sur la santé déclenchent une inflammation pulmonaire chronique.

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Impacts des particules

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Schéma de diffusion des particules dans le corps

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Schéma de diffusion de nanoparticules (NP) dans le corps vers le cerveau, le coeur, le foie et les reins

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Voici la réponse à une exposition à du talc dans le poumon, le foie et les reins :

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Je renvoie les passionnés à cette étude par exemple.

 

Concluons sur le fait que le lien avec la mortalité est désormais très bien établi :

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Ainsi, dans cette étude, 10 µg de particules en plus, c’est environ 2 % de mortalité en plus. Cependant, une étude de l’American Cancer Society de 2002 parle de 4 % de mortalité en plus tous les 10 µg de PM2,5 (lié à +6 % de causes cardiovasculaires en plus, et +8 % de cancers du poumon ; Source)

 

De même pour les effets moins graves :

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Bref, il y a encore beaucoup à faire pour sauver de nombreuses vies :

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URL: http://www.les-crises.fr/les-graves-effets-des-particules-sur-la-sante/

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