mercredi 11 janvier 2017

Choisir une guerre avec la Chine, par John Pilger

Choisir une guerre avec la Chine, par John Pilger

Source : Consortium News, le 04/12/2016

Le 4 décembre 2016

Comme Washington est obsédé par la Russie, l’administration Obama monte une stratégie similaire contre la Chine, l’encerclant et puis l’accusant ensuite d’agression, comme l’explique John Pilger.

Par John Pilger

Quand je suis arrivé pour la première fois à Hiroshima, en 1967, l’ombre sur les marches était toujours là. C’était une impression presque parfaite d’une personne humaine décontractée : jambes allongées, penchée en arrière, une main sur le côté alors qu’elle attendait assise l’ouverture de la banque. A 8h15 au matin du 6 août 1945, elle et sa silhouette furent calcinées dans le granit. J’ai observé l’ombre pendant une heure ou plus, inoubliable. Quand je suis revenu de nombreuses années plus tard, elle était partie, emportée, “disparue”, politiquement embarrassante.

J’ai passé deux ans à réaliser un documentaire, “La Prochaine Guerre avec la Chine”, dans lequel l’évidence et des témoignages avertissent qu’une guerre nucléaire n’est plus une hypothèse, mais une possibilité. L’accumulation la plus importante des forces militaires américaines est en cours. Elles sont dans l’hémisphère nord, aux frontières ouest de la Russie, en Asie et dans le Pacifique, face à la Chine.

Le nuage en forme de champignon après le largage de la bombe atomique sur Hiroshima, au Japon, le 6 août 1945.

Le nuage en forme de champignon après le largage de la bombe atomique sur Hiroshima, au Japon, le 6 août 1945.

Le grand danger que tout ceci représente n’est pas nouveau, ou il est enterré ou déformé : la batterie de fausses informations grand public qui fait écho à la peur psychopathique ancrée dans la conscience du public durant le 20e siècle.

Comme le renouveau de la Russie post-soviétique, l’avènement de la Chine en tant que puissance économique est déclaré comme une “menace existentielle” pour le droit divin des États-Unis à diriger et dominer les affaires humaines.

Pour contrer cela, en 2011, le président Obama a annoncé un “basculement vers l’Asie”, ce qui veut dire que près des deux-tiers des forces navales américaines seraient transférées en Asie et dans le Pacifique en 2020. Aujourd’hui, plus de 400 bases militaires américaines encerclent la Chine, avec des missiles, des bombardiers, des bateaux de guerre et, par-dessus tout, des armes nucléaires. Depuis le nord de l’Australie jusqu’au Pacifique et le Japon, de la Corée à l’Eurasie via l’Afghanistan et l’Inde, les bases forment – comme le dit un stratège américain”, “le parfait nœud coulant”.

Plus de pensées impensables

Une étude de la Rand Corporation – qui, depuis le Vietnam, a planifié les guerres de l’Amérique – est titrée, La guerre avec la Chine : penser l’impensable. Mandatés par l’US Army, les auteurs évoquent la Guerre froide quand la Rand a rendu officiel le cri du stratège en chef, Herman Kahn – “penser l’impensable”. Le livre de Kahn, De la guerre thermonucléaire, élaborait un plan pour gagner une guerre nucléaire face à l’Union soviétique.

Les iles au centre d'un territoire disputé par la Chine et le Japon. (Crédit: Jackopoid)

Les iles au centre d’un territoire disputé par la Chine et le Japon. (Crédit: Jackopoid)

De nos jours, cette vision apocalyptique est partagée par ceux détenant la vraie puissance aux États-Unis : les militaristes et les néoconservateurs de la branche exécutive, le Pentagone, les services de renseignement et l’establishment de la sécurité nationale et le Congrès.

L’actuel secrétaire à la Défense, Ashley Carter, un provocateur verbeux, affirme que la politique US est de se confronter à ceux qui “voient la domination américaine et veulent nous la retirer.”

De toutes les tentatives pour détecter une évolution de la politique étrangère, c’est certainement la position de Donald Trump, dont les propos abusifs sur la Chine durant la campagne électorale sont allés jusqu’à parler de “viol” de l’économie américaine. Le 2 décembre, dans une provocation directe face à la Chine, le nouveau président élu Trump a dialogué avec la présidente de Taiwan, que la Chine considère comme une province renégate de la patrie. Equipée de missiles américains, Taiwan demeure un dossier brûlant entre Washington et Pékin.

“Les États-Unis,” a écrit Amitai Etzioni, professeur en politique étrangère à l’université George Washington, “sont en train de préparer une guerre avec la Chine, une décision capitale qui n’a pas réussi à être analysée en détail par les élus, c’est-à-dire la Maison-Blanche et le Congrès.” Cette guerre pourrait débuter par “une attaque aveuglante contre des installations de défense chinoises, y compris des lanceurs de missiles basés au sol ou en mer… des satellites et des armes anti-satellite.”

Le risque incalculable est que “des frappes dans l’intérieur du pays pourraient être perçues par erreur par les Chinois comme des tentatives préventives de détruire ses armes nucléaires, les acculant dans un terrible dilemme de les utiliser ou les perdre, ce qui entraînerait une guerre nucléaire.”

En 2015, le Pentagone a diffusé son Manuel sur la Loi de la Guerre. “Les États-Unis,” y est-il-dit, “n’ont pas accepté de signer un traité interdisant les armes nucléaires en soit, aussi les armes nucléaires sont des armes légales pour les États-Unis.”

A la recherche d’un ennemi

En Chine, un stratège m’a précisé : “Nous ne sommes pas votre ennemi, mais si vous (à l’Ouest) décidez que nous les sommes, nous devrons nous préparer sans délai.”

Le président chinois Xi Jinping accueille le président Barack Obama lors de son arrivée au sommet du G20 au centre international de Hangzhou, à Hangzhou, en Chine, le 4 septembre 2016. (Photo de Pete Souza, photographe officiel de la Maison Blanche)

Le président chinois Xi Jinping accueille le président Barack Obama lors de son arrivée au sommet du G20 au centre international de Hangzhou, à Hangzhou, en Chine, le 4 septembre 2016. (Photo de Pete Souza, photographe officiel de la Maison Blanche)

L’arsenal et les forces militaires chinoises sont petits comparés à ceux de l’Amérique. Cependant, “pour la première fois,” a noté Gregory Kulacky de l’Union des Scientifiques Concernés, “la Chine discute de mettre ses missiles nucléaires en alerte maximale de telle sorte qu’ils puissent être lancés rapidement en cas d’une alerte d’attaque… Ceci sera une évolution significative et dangereuse de la politique chinoise. En fait, les politiques en termes d’armement nucléaire des États-Unis sont le principal facteur extérieur influençant la Chine à augmenter son niveau d’alerte de ses forces nucléaires.”

Le professeur Ted Postol a été conseiller scientifique de la direction des opérations navales US. Une autorité sur les armes nucléaires, il m’a dit : “Tout le monde ici veut montrer sa force. Regardez comment je suis fort… Je n’ai pas peur de me lancer dans des opérations militaires, je n’ai pas peur de menacer, je suis un gorille à la poitrine velue. Et nous sommes arrivés dans un état, les États-Unis se sont mis dans une situation où il y a beaucoup d’esbroufe, et ceci est réellement orchestré depuis le sommet.”

J’ai dit : “Tout cela semble incroyablement dangereux.”

“C’est un euphémisme,” a répondu Postol.

En 2015, dans le secret le plus total, les US mirent en scène le plus important exercice militaire américain depuis la Guerre froide. Ce fut Talisman Sabre, une armada de vaisseaux et de bombardiers à long rayon d’action répétant un scénario type “Concept de Bataille Air-Mer pour la Chine” (ASB pour Air-Sea Battle), avec blocage des routes maritimes du détroit de Malacca et coupure de l’accès de la Chine au pétrole, au gaz et à d’autres matières premières en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique.

C’est une telle provocation, et la crainte d’un blocus par l’US Navy, que la Chine a en toute urgence mis en place une stratégie de construction d’aéroports sur des îlots disputés et des îles de l’archipel Spratly en mer de Chine du Sud. En juillet dernier, la cour permanente d’arbitrage des Nations Unies a condamné la souveraineté affirmée de la Chine sur ces îles. Même si la dénonciation est venue des Philippes, elle a été présentée par les avocats américains et anglais, et sa source se retrouve du côté de la secrétaire d’État US Hilary Clinton.

En 2010, Clinton s’est rendue à Manille. Elle a demandé que l’ancienne colonie américaine ré-ouvre les bases militaires US fermées dans les années 1990 après une campagne populaire face à la violence qu’elles généraient, notamment face aux femmes philippines. Elle a déclaré que la revendication chinoise sur les îles Spratly – qui se trouvent à plus de 7500 miles des États-Unis – constituait une menace pour la “sécurité nationale américaine” et la “liberté de navigation”.

Après avoir reçu des millions de dollars d’armes et d’équipement militaire, le président d’alors Benigno Aguino a rompu des négociations bilatérales avec la Chine et signé un Accord de Coopération Militaire Renforcée avec les USA. Ce dernier établit le retour de cinq bases US et remit au goût du jour une décision coloniale haïe que les forces américaines et leurs contractants ne sont pas concernés par les lois des Philippines.

L’élection de Rodrigo Duterte, en avril, a énervé Washington.

Se définissant lui-même comme socialiste, Duterte a déclaré : “Dans nos relations avec le monde, les Philippines poursuivront une politique étrangère indépendante” et a noté que les États-Unis ne se sont pas excusés pour leurs atrocités coloniales. “Je vais rompre avec l’Amérique,” a-t-il dit, et il a promis d’expulser les troupes US. Mais les US restent aux Philippines, et les exercices militaires conjoints se poursuivent.

“La domination de l’information”

En 2014, sous la rubrique “La domination de l’information” – le jargon pour dire “manipulation médiatique”, ou fausses informations, pour lesquelles le Pentagone dépense plus de quatre milliards de dollars – l’administration Obama lançait une campagne de propagande qui faisait de la chine, la plus grande nation commerciale du monde, une menace pour la “liberté de navigation”.

Le Pentagone, quartier général du Département de la Défense américain, vue de la rivière Potomac, et Washington D.C. en arrière-plan. (Photo du Département de la Défense)

Le Pentagone, quartier général du Département de la Défense américain, vue de la rivière Potomac, et Washington D.C. en arrière-plan. (Photo du Département de la Défense)

CNN a montré la voie avec son “journaliste de la sécurité nationale” qui fait un reportage enthousiaste à bord de l’avion de surveillance de la Navy survolant les îles Spratly. La BBC persuada des pilotes Philippins apeurés de faire un vol dans un Cessna mono-moteur au-dessus des îles disputées “pour voir comment la Chine réagirait.” Aucun de ces journalistes ne se demanda pourquoi les chinois étaient en train de mettre en place des couloirs aériens en dehors de leur ligne côtière, ou pourquoi les forces militaires américaines se massaient alors aux portes de la Chine.

Le chef assigné à la propagande est l’amiral Harry Harris, commandant militaire américain en Asie et dans le Pacifique. “Mes fonctions,” déclara-t-il au New York Times, “allaient de Bollywood à Hollywood, des ours polaires aux pingouins.” Jamais la domination impériale n’avait été décrite de manière plus concise.

Harris est un des nombreux amiraux et généraux du Pentagone à faire des comptes-rendus à une poignée de journalistes et de présentateurs malléables, avec l’objectif de justifier une menace aussi spécieuse que celle utilisée par George W. Bush et Tony Blair pour détruire l’Irak et la plupart du Moyen-Orient.

A Los Angeles en septembre, l’amiral Harris a déclaré qu’il était “prêt à se confronter à une Russie revancharde et à une Chine assertive… Si nous devons combattre ce soir, je ne veux pas que ce soit un combat équitable. Si c’est un combat au couteau, je veux ramener un pistolet. Si c’est un combat au pistolet, je veux ramener l’artillerie…et tous nos alliés avec leur artillerie.”

Ces “alliés” incluent la Corée du Sud, le site de lancement pour le dispositif “THAAD” du Pentagone (Terminal de Système de Défense Aérienne en Haute Altitude), ostensiblement tourné vers la Corée du Nord. Comme le souligne le professeur Postol, ce dispositif vise la Chine.

A Sydney, en Australie, l’amiral Harris a appelé la Chine à “démanteler sa grande muraille en mer de Chine du sud.” L’image a fait la une de la presse. L’Australie est le “partenaire” le plus obséquieux de l’Amérique ; son élite politique, militaire, ses agences de renseignement et ses médias sont intégrés dans ce qu’on connait sous le nom d'”alliance”. Fermer l’accès au pont du port de Sydney pour le défilé d’un “dignitaire” américain en visite n’est pas rare. Le criminel de guerre Dick Cheney a eu droit à cet honneur.

Bien que la Chine soit le premier partenaire commercial de l’Australie, dont la plupart de l’économie dépend, “affronter” la Chine est le diktat de Washington. Les quelques dissidents politiques à Canberra risquent un marquage maccarthyste dans la presse de Murdoch.

“Vous les Australiens êtes avec nous quoiqu’il advienne,” a dit un des architectes de la guerre du Vietnam, McGeorge Bundy. Une des plus importantes bases militaires américaines se situe à Pine Gap, près d’Alice Springs. Créée par la CIA, elle espionne la Chine et toute l’Asie, et contribue de manière irremplaçable à la meurtrière guerre par drone au Moyen-Orient.

En octobre, Richard Marles, le porte-parole de la défense du principal parti d’opposition australien, le Parti travailliste, a demandé que les “décisions opérationnelles” de lancer des opérations de provocation contre la Chine devraient être laissées au commandement militaire en mer de Chine du Sud. En d’autres termes, une décision qui pourrait mener à une guerre avec une nation dotée de la puissance nucléaire ne serait pas prise par des personnes élues ou par un parlement, mais par un amiral ou un général.

L’autorité du Pentagone

C’est la ligne officielle du Pentagone, le point de départ historique de tout pays qui se considèrerait comme démocrate. L’ascendant du Pentagone sur Washington – que Daniel Ellsberg appelle coup d’État silencieux – se voit clairement dans le montant record de 5000 milliards de dollars que l’Amérique a dépensé dans des guerres d’agression depuis le 11 septembre 2001, selon une étude de l’université Brown. La conséquence : un million de morts en Irak, et le flux massif de 12 millions de réfugiés en provenance d’au moins 4 pays.

Le lanceur d'alerte Daniel Ellsberg, qui a révélé les dossiers du Pentagone.

Le lanceur d’alerte Daniel Ellsberg, qui a révélé les dossiers du Pentagone.

L’ile japonaise d’Okinawa possède 32 installations militaires, desquelles la Corée, le Vietnam, le Cambodge, l’Afghanistan et l’Irak ont étés attaqués par les États-Unis. Aujourd’hui, la cible principale est la Chine, avec laquelle Okinawa a des liens très forts tant commerciaux que culturels.

Les avions militaires sillonnent le ciel d’Okinawa constamment, ils se crashent parfois sur des maisons ou des écoles. Les gens de peuvent pas dormir, les enseignants ne peuvent pas enseigner. Où qu’ils aillent dans leur propre pays, ils sont enfermés et interdits de sortir.

Un mouvement populaire anti-bases américaines formé par les habitants d’Okinawa grossit depuis qu’une fillette de 12 ans a subi un viol en réunion par des soldats américains en 1995. C’était un crime parmi des centaines, dont de nombreux n’ont jamais fait l’objet d’une enquête. A peine connu en dehors de l’île, la résistance a permis l’élection du premier gouverneur anti-bases, Takeshi Onaga, et présenté un obstacle inhabituel au gouvernement de Tokyo et au plan du premier ministre ultra-nationaliste Shinzo Abe pour révoquer la “constitution de paix” japonaise.

Ce mouvement de résistance comprend Fumiko Shimabukuro, agée de 87 ans, une survivante de la Seconde Guerre mondiale alors qu’un quart des habitants d’Okinawa périrent lors de la l’invasion américaine. Fumiko et des centaines d’autres trouvèrent refuge dans la magnifique baie d’Henoko, qu’elle se bat pour défendre désormais. Les États-Unis veulent raser la baie pour étendre les pistes de décollage pour leurs bombardiers.

“Nous devons faire un choix,” a-t-elle déclaré, “le silence, ou la vie.” Alors que nous nous rassemblions pacifiquement en dehors de la base américaine de Camp Schwab, d’énormes hélicoptères Sea Stallion faisaient des cercles au-dessus de nos têtes sans aucun autre but que de nous intimider.

L’île coréenne de Jeju se trouve en mer de Chine de l’Est, c’est un sanctuaire semi-tropical et un héritage du patrimoine mondial déclaré “île de la paix mondiale”. Sur cette île de la paix a été bâtie une des bases militaires les plus provocantes du monde, à moins de 650 kilomètres de Shanghai. Le village de pêcheurs de Gangjeong est dominé par une base navale sud-coréenne bâtie pour les porte-avions américains, sous-marins nucléaires et destroyers équipés de missiles Aegis, pointant vers la Chine.

Un mouvement de résistance populaire contre ces préparatifs de guerre existe sur Jeju depuis presque 10 ans. Chaque jour, souvent deux fois par jour, des villageois, des prêtres catholiques et des militants venant de partout dans le monde forment une masse fervente qui bloque l’entrée de la base. Dans un pays dans lequel les manifestations sont souvent interdites, mais pas les religions influentes, cette tactique a produit un résultat digne d’inspiration.

Un des leaders, le père Mun Jeong-hyeon, m’a dit : “Je chante chaque jour 4 chansons à côté de la base, quelle que soit la météo. Je chante même pendant les typhons – aucune exception. Pour construire cette base, ils ont détruit l’environnement, et la vie des villageois, et nous devons témoigner de cela. Ils veulent contrôler le pacifique. Ils veulent isoler la Chine sur le plan international. Ils veulent faire du monde leur empire.”

Une Chine très moderne

La dernière fois que j’ai décollé de Jeju pour Shanghai remonte à plus d’une génération. La dernière fois que je suis allé en Chine, je me souviens que le bruit le plus fort que j’ai entendu provenait du tintement des sonnettes de bicyclettes ; Mao Zedong était mort depuis peu, et les villes semblaient sombres, faites d’un mélange d’attente et de crainte. En quelques années, Deng Xiopeng, “l’homme qui a changé la Chine”, était le “leader suprême”. Rien ne m’avait préparé aux changements stupéfiants de la Chine actuelle.

La Chine a lourdement investi dans des infrastructures de transport modernes, dont des lignes de train à grande vitesse.

La Chine a lourdement investi dans des infrastructures de transport modernes, dont des lignes de train à grande vitesse.

La Chine est faite d’une délicieuse ironie, notamment la maison de Shanghai dans laquelle Mao et ses camarades ont fondé secrètement le parti communiste de Chine en 1921. Aujourd’hui, elle se tient au milieu d’un quartier commercial très capitaliste ; vous sortez de ce temple du communisme avec votre petit livre rouge et votre statuette de Mao et rentrez directement dans l’univers de Starbucks, Apple, Cartier, Prada.

Mao en serait-il choqué ? J’en doute. Cinq ans avant sa grande révolution de 1949, il a envoyé ce message secret à Washington. “La Chine doit s’industrialiser,” a-t-il écrit. “Cela ne peut être réalisé que par la libre entreprise. Les intérêts chinois et américains vont ensemble, économiques comme politiques. L’Amérique n’a pas besoin de craindre que la Chine ne coopère pas. Nous ne pouvons nous permettre aucun conflit.”

Mao a proposé de rencontrer Franklin Roosevelt à la Maison-Blanche, et son successeur Harry Truman, et son successeur Dwight Eisenhower. Ses invitations ont été déclinées, ou volontairement ignorées. L’opportunité de changer l’histoire contemporaine, d’empêcher des guerres en Asie et de sauver d’innombrables vies a été perdue car l’authenticité de cette ouverture a été niée par Washington quand “la transe catatonique de la guerre froide,” écrit le critique James Naremore, “a maintenu notre pays dans une position figée.”

Les fausses informations des média grand public qui présentent une fois de plus la Chine comme une menace procèdent de la même mentalité.

“La Nouvelle Route de la soie”

Le centre de gravité du monde bascule inexorablement vers l’Est ; mais la stupéfiante vision qu’a la Chine de l’Eurasie est mal comprise par l’Ouest. La “Nouvelle Route de la soie” est une voie d’échanges commerciaux, de ports, de pipelines et de trains à grande vitesse rejoignant l’Europe. En tant que leader mondial de la technologie ferroviaire, la Chine est en train de négocier avec 28 pays pour installer des lignes sur lesquelles les trains pourront transiter jusqu’à 400km/h. Cette ouverture au monde a le soutien de la plupart de l’humanité, et permet en plus d’unifier la Chine et la Russie.

“Je crois en l’exception américaine au plus profond de moi,” a affirmé Barack Obama, évoquant le fétichisme des années 30. Ce culte moderne de la supériorité c’est l’américanisme, le prédateur dominant du monde. Durant le mandat du libéral Obama, qui a remporté le prix Nobel de la paix, les dépenses de fabrication de nouvelles têtes nucléaires ont été plus élevées que sous n’importe lequel des mandats des présidents américains depuis la fin de la Guerre froide. Une mini arme nucléaire est prévue. Connue sous l’appellation B61 modèle 12, elle signifiera, selon le général James Cartwright, ex vice-président du Staff des Chefs des Armées, que “la rendre plus petite [rendra son usage] plus imaginable.”

En septembre, le “Atlantic council”, un think-tank géopolitique américain grand public, a publié un rapport qui prédit un monde Hobbesien [https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Hobbes, NdT], “marqué par le désordre, un violent extrémisme [et] une ère de guerre perpétuelle.” Les nouveaux ennemis étaient une “Russie” renaissante et une Chine “de plus en plus agressive”. Seule l’Amérique héroïque peut nous sauver.

Cette belligérance est de la pure démence. C’est comme si le “siècle américain” – proclamé en 1941 par l’impérialiste américain Henry Luce, propriétaire du magazine Times – s’était terminé sans préavis et que personne n’ait le courage de dire à l’empereur de ramasser ses armes et de retourner chez lui.

Source : Consortium News, le 04/12/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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