lundi 7 novembre 2016

Péril sur l’armée française: seul un tiers des hélicoptères est en état de vol...

Péril sur l'armée française: seul un tiers des hélicoptères est en état de vol...

C’est le talon d’Achille de l’armée française: du fait de l’organisation complexe de la maintenance et de l’usure accélérée liée aux opérations extérieures, les taux de disponibilité des avions et hélicoptères sont catastrophiques. Un chantier majeur pour Jean-Yves Le Drian.

Du fait de l’organisation complexe de la maintenance et de l’usure accélérée liée aux opérations extérieures,
les taux de disponibilité des hélicoptères de l'armée sont catastrophiques : 17,4% seulement pour
l'hélicoptère d'attaque Tigre en 2014.

Dans les discussions sur le budget de la défense 2017, en cours à l’Assemblée nationale, il y a bien sûr les bonnes nouvelles. Suite aux arbitrages de l’Elysée après les attentats de novembre 2015, le budget du ministère va augmenter de 600 millions d’euros par rapport à 2016, à 32,7 milliards d’euros. Le chiffre n’a rien de symbolique: la loi de programmation militaire de décembre 2013 prévoyait 31,6 milliards pour l’exercice 2017, soit 1,1 milliard d’euros de moins que le budget finalement retenu. Les armées vont aussi voir, pour la première fois depuis des décennies, leurs effectifs repartir à la hausse. L’arrêt des déflations d’effectifs jusqu’en 2019, décidé par François Hollande, va aboutir à 782 créations de postes entre 2017 et 2019, dont 400 sur la seule année 2017, au lieu des 10.000 suppressions de postes prévues.

Le problème, c’est que ces agrégats cachent une réalité moins rose sur un des domaines les plus stratégiques de l’outil de défense français: la maintenance des équipements militaires, le maintien en condition opérationnelle (MCO) en sabir militaire. L’examen du budget 2017 en commission élargie dans la nuit du 2 au 3 novembre a apporté son lot d’informations inquiétantes sur le sujet, notamment sur le segment des hélicoptères de l’armée de terre. "Nos capacités critiques sont très bridées par le très faible taux de disponibilité de nos hélicoptères, en moyenne 38%", s’est ainsi alarmé François Lamy, rapporteur pour les forces terrestres.

Seul un Tigre sur six en état de vol

Le comble, c’est que ce sont les hélicoptères les plus récents, comme le Tigre (combat) et le NH90 Caïman (transport), qui affichent les taux de disponibilité les plus faibles. "Lorsque les nouveaux équipements arrivent, ceux-ci montrent d’inquiétants signes de faiblesse, résume le député LR François Cornut-Gentille, rapporteur des crédits de défense. J’en veux pour preuve les hélicoptères Tigre qui affichaient une disponibilité inférieure à 20 % [17,4%, NDLR]  en 2014. En 2015, le chiffre est subitement classifié." La situation n’est guère meilleure sur l’hélicoptère de transport NH90 en version marine, qui atteignait péniblement les 33% de disponibilité en 2014. "La marine a 17 machines, dont 10 sont en entretien, déplore Gwendal Rouillard, député PS et rapporteur du budget de la marine. Le 17ème NH90 ne peut pas voler à cause d’un problème mécanique, ce qui est totalement inacceptable pour une machine neuve."

Même situation abracadabrantesque du côté des avions: le C-130 affichait 28,8% de disponibilité en 2014, moins que l’antique Transall (40,1%). Les députés ont aussi signalé la situation ubuesque de l’avion de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL-2), dont une partie sont en cours de rénovation: "Il y a moins d’ATL-2 sur la base opérationnelle de Lann-Bihoué qu’à Cuers-Pierrefeu, où est effectué le MCO, souligne Gwendal Rouillard. Sur les 22 appareils en flotte, la moitié est immobilisée à Cuers. Et la durée de la rénovation a doublé, de 18 à 36 mois." On comprend mieux les réticences du ministère de la défense à publier les fameux chiffres de disponibilité, un choix aussi étonnant qu'inédit.

Dilution des responsabilités

Comment expliquer ces performances catastrophiques? Il y a évidemment l’impact du déploiement permanent des machines sur les théâtres d’opérations extérieurs, qui accélère l’usure des hélicoptères et des avions. Il y a aussi d’évidents problèmes de qualité chez les industriels, visibles chez NHI pour le NH90 et chez Airbus pour l’A400M ou le Tigre. Il y a enfin une organisation du système de maintenance des armées peu efficace, marquée par la dilution des responsabilités entre partenaires publics et privés.

Pour les hélicoptères, la maîtrise d’ouvrage est ainsi prise en charge par une structure publique, la SIMMAD (Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense). Celle-ci passe les contrats de maintenance soit à une structure publique, le SIAé (Service industrielle de l’aéronautique), soit à des sociétés privées. "En pratique, cette mécanique ne fonctionne pas", assène François Lamy. Qui donne un exemple éloquent: pour un hélicoptère Tigre, une visite périodique doit ainsi théoriquement durer 183 jours, ce qui est déjà énorme. Dans les faits, elle dure en moyenne 383 jours!

Objectif 50% de disponibilité en 2019

A qui la faute? Chacun des intervenants du marché se renvoie la patate chaude. "Lorsque l’on cherche à démêler les responsabilités dans ces retards, chacun des acteurs a de solides reproches à adresser aux autres: les armées, la DGA, la SIMMAD, Airbus, le SIAé", explique François Lamy, qui suggère de passer à un maître d’œuvre unique "porteur de la responsabilité pleine et entière". Gwendal Rouillard suggère en outre de passer du système actuel d’entretien programmé des matériels, à intervalles prévus à l’avance, à une maintenance en direct, en fonction de l’état réel des aéronefs, comme c’est déjà le cas pour le Rafale. "Nous avons un MCO calibré pour un temps de paix, il faut bâtir un MCO "temps de guerre"", résume Gwendal Rouillard.

Jean-Yves Le Drian se dit conscient de l’enjeu. "Il y a un problème que je ne cache pas, et qui provoque chez moi une irritation parfois mal contenue, concernant l’aéromobilité, a répondu le ministre de la défense aux députés. Cette dégradation des taux de disponibilité n’est pas normale." Le ministre a lancé un plan d’urgence qui vise à atteindre un taux de disponibilité moyen de 50% à la fin de la LPM, soit en 2019. Sur la question particulière du Tigre, un contrat d’objectif sera prochainement passé pour redresser la disponibilité de ces appareils très utilisés au Sahel.

Cercle vicieux

Le temps presse, car les faiblesses du système de MCO créent un cercle vicieux: faute de machines disponibles, les équipages ne peuvent pas suffisamment se former. Ce qui aboutit à un manque d’équipages entraînés déployables en opérations extérieures. Au problème technique, la disponibilité des matériels, s’ajoute ainsi un problème humain: le maintien des compétences des militaires. Soit le cœur du réacteur de la défense française.

 

Source(s) : Challenges.fr via la Revue de presse de notre Contributeur anonyme

Informations complémentaires :

 

 

 

 

Aucun commentaire: