mardi 25 octobre 2016

Duterte aligne les Philippines avec la Chine, et dit que les États-Unis “ont perdu”, Reuters

Duterte aligne les Philippines avec la Chine, et dit que les États-Unis "ont perdu", Reuters

Encore un nouvel “ennemi” pour nos médias – celui-ci étant pour le coup vraiment moins sympa que Poutine…

Je rappelle que les Philippines (100 millions d’habitants, 12e pays mondial) ont été la principale colonie des États-Unis de 1898 à 1942.

Duterte aligne les Philippines avec la Chine, et dit que les États-Unis “ont perdu” – Reuters

Source : Ben Blanchard, Pékin, Reuters, 20/10/2016

Le président philippin Rodrigo Duterte a annoncé sa “séparation” avec les États-Unis ce jeudi, déclarant qu’il s'était réaligné avec la Chine étant donné que les deux pays ont convenu de régler leurs différends sur la mer de Chine méridionale par des pourparlers.

Duterte a fait ces commentaires à Pékin, où il était en visite avec au moins 200 hommes d’affaires pour ouvrir la voie à ce qu’il appelle une nouvelle alliance commerciale, alors que les relations d'alliance de longue date avec Washington se détériorent.

“À l'occasion de cette visite, j’annonce ma séparation avec les États-Unis,” a dit le présidente Duterte aux hommes d'affaires chinois et philippins, qui ont applaudi, lors d’un forum dans le Grand Hall du Peuple en présence du vice Premier ministre chinois Zhang Gaoli.

” À la fois au niveau militaire, peut-être pas au niveau social, et aussi au niveau économique. L’Amérique a perdu.”

Les efforts de Duterte pour se rapprocher de la Chine, des mois après qu'un tribunal de La Haye a jugé que Pékin ne disposait pas de droits historiques en mer de Chine méridionale, dans une affaire introduite par l’administration précédente à Manille, marque un renversement de la politique étrangère ; l'ancien maire de 71 ans a pris ses fonctions le 30 juin dernier.

Son secrétaire au commerce, Ramon Lopez, a déclaré que des partenariats commerciaux d'un montant 13,5 milliards $ seraient signés au cours de son voyage en Chine.

« Je me suis rallié à votre positionnement politique et peut-être que j'irai aussi en Russie pour parler à (Vladimir) Poutine et lui dire que nous sommes au moins trois contre le reste du monde – La Chine, les Philippines et la Russie -. C'est la seule issue, ” a dit Duterte à son auditoire à Pékin.

Quelques heures après le discours de Duterte, ses conseillers économiques ont publié une déclaration disant que, alors que l’intégration économique asiatique se faisait « attendre depuis longtemps », cela ne signifiait pas que les Philippines tournaient le dos à l’Occident.

« Nous allons maintenir des relations avec l’Occident, mais nous désirons une plus forte intégration avec nos voisins », ont déclaré le secrétaire des finances Carlos Dominguez et le secrétaire de la planification économique Ernesto Pernia dans une déclaration commune.

« Nous partageons la même culture et avons la meilleure compréhension de notre région. Les Philippines sont intégrés à l'ASEAN, comprenant la Chine, le Japon et la Corée du Sud.”

ACCUEIL AVEC TAPIS ROUGE

La Chine a mis le paquet pour la venue de Duterte, en faisant venir une fanfare lors de la cérémonie de vœux officiels à l’extérieur du Grand Hall du Peuple, ce qui n'est pas offert à tous les dirigeants.

Le président Xi Jinping, qui a rencontré Duterte tôt dans la journée, a appelé la visite une « grande étape » dans les relations entre les deux pays.

Xi a dit à Duterte que la Chine et les Philippines étaient frères et qu'ils pourraient “gérer de manière appropriée leurs différends”, mais il n’a pas mentionné la mer de Chine méridionale dans ses remarques faites devant les journalistes.

« J'espère que nous pourrons respecter les souhaits de la population et utiliser cette visite comme une occasion de construire des relations entre la Chine et les Philippines sur des bases amicales et améliorer entièrement les choses », a déclaré Xi.

Après leur rencontre, au cours de laquelle Duterte a précisé que les relations avec la Chine étaient entrées dans un nouveau « printemps », le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Liu Zhenmin a déclaré que la question de la mer de Chine méridionale ne représentait pas la totalité de leurs relations.

“Les deux parties se sont mises d'accord pour faire ce qu’elles ont convenu il y a cinq ans, à savoir poursuivre le dialogue et les échanges bilatéraux dans la recherche d’un règlement approprié sur la question de la mer de Chine méridionale”, a déclaré Liu.

La Chine réclame la majeure partie de la mer de Chine méridionale, riche en ressources énergétiques, à travers laquelle environ 5 milliards de dollars de marchandises passent chaque année. Ses voisins Brunei, la Malaisie, les Philippines, Taiwan et le Vietnam ont également des revendications sur cette zone.

En 2012, la Chine a saisi le contesté récif de Scarborough et refusé l’accès des pêcheurs Philippins à cette zone de pêche.

Liu a dit que le récif n’avait pas été mentionné. Il n’a pas répondu à une question qui demandait si les pêcheurs philippins y seraient autorisés. Il a dit que les deux pays avaient convenu de mettre en place une coopération entre les garde-côtes et sur les zones de pêche, mais n’a pas donné de détails.

LA DISPUTE MARITIME EST « MISE DE CÔTÉ ».

Le ton de Duterte envers Beijing contraste fortement avec les mots qu’il a utilisés contre les États-Unis, après avoir été exaspéré par la critique américaine dans sa sanglante guerre contre la drogue.

Il a traité le président américain Barack Obama de « fils de pute » et lui a dit d'« aller en enfer », tout en faisant allusion à la rupture de ses liens avec l’ancienne puissance coloniale.

Ce mercredi, sous les acclamations de centaines de Philippins à Pékin, Duterte a déclaré que la politique étrangère des Philippines se réorientait vers la Chine.

« Je n'irai plus en Amérique. Là-bas, nous serons juste insultés », a déclaré Duterte. “Il est donc temps de dire au revoir mon ami.”

Le même jour, environ 1 000 manifestants anti-américains se sont rassemblés devant l’ambassade des États-Unis à Manille demandant le retrait des troupes américaines de l’île méridionale de Mindanao.

Cependant, il est peu probable que le brusque basculement de Duterte de Washington vers Pékin soit majoritairement populaire dans le pays. Mardi, un sondage d’opinion a montré que les Philippins font toujours bien plus confiance aux États-Unis qu'à la Chine.

Duterte a déclaré mercredi que l’arbitrage de la mer de Chine méridionale “serait mis de côté” lors des pourparlers, et qu’il attendrait que les Chinois soulèvent la question avant de le faire lui-même.

Xi a déclaré que les problèmes qui ne pourraient pas être résolus immédiatement devraient être mis de côté, selon le ministère chinois des Affaires étrangères.

La Chine a accueilli avec satisfaction l'approche des Philippines, alors même que Duterte a juré de ne pas abandonner toute souveraineté à Pékin, qui considère la décision de La Haye sur la mer de Chine méridionale comme nulle et non avenue.

La Chine a également exprimé son soutien à sa guerre contre la drogue, qui a soulevé des inquiétudes dans les capitales occidentales sur les exécutions extrajudiciaires.

(Ecrit par Michael Martina et Ryan Woo, édité par Nick Macfie et Alex Richardson)

Source : Ben Blanchard, Pékin, Reuters, 20/10/2016

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Les insultes :

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Je complète par une analyse de l’activiste André Vltcheck – que je trouve comme souvent avec lui un peu excessive dans la forme, mais pas inintéressante sur le fond. À prendre avec recul donc, et à confronter avec la vision d’autres médias.

Vont-ils réellement tenter d'assassiner le président Duterte ?

Source : Le Grand Soir, Andre Vltchek, 18-10-2016

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Andre VLTCHEK

A l'heure qu'il est, Rodrigo Duterte, le Président des Philippines au franc-parler, fait très probablement partie de la liste noire occulte, prestigieuse et permanente de l'Empire.

La liste est très longue et l'est depuis déjà plusieurs décennies. On pourrait facilement perdre le compte et s'embrouiller : combien de personnalités ont été marquées et secrètement condamnées à mort ? Combien sont effectivement mortes ?

La liste se lit comme un catalogue de leaders mondiaux illustres : de Patrice Lumumba (Zaïre), Mohammad Mossadegh (Iran), Hugo Chavez (Venezuela), Sukarno (Indonésie), Juvénal Habyarimana (Rwanda), Salvador Allende (Chili) à Mouammar Kadhafi (Libye ), Al-Basheer (Soudan) et Fidel Castro (Cuba), pour ne citer que quelques-uns.

Certains ont été directement assassinés ; d'autres ont été « seulement » renversés, tandis que seule une poignée de « listés » ont effectivement réussi à survivre et rester au pouvoir.

Presque tous avaient commis des crimes graves et de nature similaire, dont : défendre des intérêts vitaux de leurs nations et de leur peuple, refuser d'autoriser le pillage effréné des ressources naturelles par les sociétés multinationales, et s'opposer aux principes de l'impérialisme. La simple critique de l'Empire a aussi été souvent punie de mort.

M. Duterte est en train de les commettre tous. Il semble être « coupable de tous les chefs d'accusation ». Il plaide coupable et semble même être fier des accusations portées contre lui.

« Est-ce qu'il en marre de la vie ? » se demandent certains. « À-t-il perdu l'esprit ? Est-il prêt à mourir ? »

Est-il un héros, un nouveau Hugo Chavez asiatique, ou tout simplement un populiste hors de contrôle ?

Ce qui est certain c'est qu'il risque gros et peut-être même tout. Il est en ce moment en train de commettre les péchés les plus impardonnables aux yeux des régimes occidentaux : il est ouvertement insultant envers l'Empire et ses institutions (y compris l'ONU, l'OTAN et l'UE). Il leur crache même à la figure !

Et pour ne rien arranger, il ne se contente pas de paroles ; il prend des mesures décisives ! Il essaie d'aider les pauvres dans son pays, il flirte avec le Parti communiste et les socialistes, et pour comble, il demande l'aide de la Chine et de la Russie.

Ca barde. Régulièrement des personnalités ou des institutions telles que Obama, le Pape, les États-Unis, l'UE et l'ONU se voient conseillées d'aller en enfer, ou sont rebaptisées fils-de-putes !

Et les Philippins adorent ça. Duterte a remporté les élections avec une marge très faible, mais les dernières enquêtes d'opinion lui attribuent un taux de popularité incroyable de 76%. Certains soutiennent donc que si la « démocratie » est réellement la « volonté du peuple » (ou du moins un reflet de la volonté du peuple), alors tout va bien aux Philippines.

Alors qu'Eduardo Climaco Tadem, Maître de Conférences des Etudes Asiatiques (Université de Diliman), est critique de la forme « peu présidentielle » du discours de Duterte, et trouve négative sa politique en matière de « droits civils et politiques », il est néanmoins clairement impressionné par ses réalisations dans plusieurs autres domaines. Comme il me l'a récemment écrit dans une lettre :

« Des initiatives positives ont été prises sur d'autres fronts. La nomination de cadres du Parti Communiste à des postes ministériels pour entreprendre une réforme agraire, le travail sur le social et le développement, et les programmes de lutte contre la pauvreté sont bons. D'autres personnalités de l'aile gauche et progressistes occupent d'autres postes ministériels dans le travail, l'éducation, la santé, la science et l'environnement. Plus important, des initiatives positives ont été prises pour faire avancer la redistribution des terres, mettre fin au travail précaire, entrer en contact et apprendre des programmes de santé de Cuba, et réduire les opérations destructrices sur l'environnement des grandes entreprises minières. En outre, les négociations de paix tant avec le CPP que le MILF / MNLF ont été relancées avec des premiers signes encourageants.

Une politique étrangère indépendante a été annoncée et, à la différence des présidents qui l'ont précédé, Duterte ne se prosterne plus devant les puissances américaines et occidentales. Il est également en train de se réconcilier avec la Chine en prenant une voie différente et moins belliqueuse dans la résolution des conflits territoriaux dans la mer de Chine du sud … »

En ce qui concerne Washington, Londres et Tokyo, tout ceci est « mauvais », très mauvais. Un tel comportement ne passe jamais inaperçu ni impuni !

Cette fois-ci, la réponse de l'Empire n'a pas tardé.

Le 20 Septembre, 2016, International Business Times a rapporté :

« Le gouvernement des Philippines a affirmé qu'un coup d'Etat était orchestré contre le président Rodrigo Duterte et a dit que l'administration sévissait contre les comploteurs présumés. Un porte-parole du gouvernement a déclaré que certains Américano-philippins de New York avaient l'intention de renverser le dirigeant troublion.

Sans révéler les noms des conspirateurs présumés ni leurs plans, le Secrétaire des Communications du gouvernement philippin Martin Andanar a dit que ceux qui conspiraient contre Duterte devraient « réfléchir à deux fois . J'ai reçu des informations provenant de sources crédibles aux États-Unis. Oui, nous avons des noms, mais je ne veux pas en parler. Nous examinons la situation avec sérieux. Nous enquêtons. » a déclaré le haut fonctionnaire du gouvernement.

Les coups d'état, les complots d'assassinat. Les coups d'états mous, les coups d'état durs : Brésil, Argentine, Bolivie, Venezuela, Syrie, Ukraine, Libye, Paraguay, Honduras et le Soudan, la moitié de l'Afrique… Tous, au cours des dernières années seulement… et maintenant les Philippines ? Bravo, l'Empire donne un coup d'accélérateur ! L'éthique de travail de ses égorgeurs est en nette amélioration.

Le Président Duterte a tout compris. Comme mentionné ci-dessus, il a déjà qualifié le président Obama de « fils de pute », et a récemment suggéré qu' « il aille en enfer ».

C'est même plus cru que ce que le président Hugo Chavez avait coutume de dire à propos de George W Bush, connu aussi comme « Señor W ». […]

La vérité est que l'Empire ne pardonne jamais à ceux qui lui renvoient son propre image. Il tue sans pitié pour les plus infimes gestes de désobéissance ou de rébellion. Son appareil de propagande et sa main droite – les médias – arrivent toujours à élaborer une explication et une justification appropriée. Et l'opinion publique nord-américaine et européenne est totalement complaisante, endoctrinée et passive ; elle ne défend que ses propres intérêts étroits, jamais la victime, surtout si la victime se trouve quelque part dans un pays lointain peuplé de « non-personnes ».

Le grand président indonésien Sukarno fut renversé et détruit (entre autres choses) pour avoir crié publiquement à l'ambassadeur des États-Unis : « Au diable avec votre aide »… Et aussi bien sûr pour avoir défendu les intérêts de son peuple contre l'Empire. Patrice Lumumba fut assassiné pour avoir osé dire que les Africains n'avaient aucune raison d'être reconnaissants envers les colonisateurs.

Duterte dit beaucoup plus. Il est amer et il a d'innombrables raisons de l'être. Les Etats-Unis ont assassiné plus d'un million de Philippins, la plupart à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Dans l'histoire récente, ils ont transformé cette nation autrefois fière et prometteuse en un paillasson, une semi-colonie humiliée, entièrement dépendante des caprices de Washington. Capitaliste et totalement pro-américaines, les Philippines ont évolué, comme l'Indonésie, en un « État défaillant », une catastrophe sociale et une friche intellectuelle.

Le Président Duterte a réussi à mettre en place un cabinet déterminé et cohérent d'intellectuels et bureaucrates.

Comme RT l'a rapporté récemment :

« Le Ministre des Affaires étrangères de Duterte, Perfecto Yasay, qui a parfois tenté de minimiser les commentaires de son patron, a publié une déclaration sur Facebook intitulée « L'Amérique nous a trompé » dans laquelle il dit que, s'il y a « d'innombrables choses pour lesquelles nous serons éternellement reconnaissants envers les Etats-Unis », ils n'ont jamais vraiment respecté l'indépendance des Philippines.

« Après avoir proclamé le 4 juillet 1946, que les Philippins avaient été formés de manière adéquate pour l'autodétermination et la gouvernance, les États-Unis ont imposé des chaînes invisibles qui nous ont mené vers la dépendance et la soumission comme des petits frères de couleur incapables d'une véritable indépendance et de liberté, » a dit le Ministre dans la déclaration. »

Ces déclarations sont très rarement répercutées par les grands médias occidentaux, où Duterte et son cabinet sont sans cesse diabolisés et ridiculisés.

Voici les derniers titres sur les Philippines :

« La fille du playboy-baron Antony Moynihan, trafiquante de drogue, abattue aux Philippines » (Daily Mail).

« Le président des Philippines accusé de nourrir un crocodile avec un homme vivant » (Le Journal.ie via Yahoo UK & Ireland News)

« Rapport spécial – dans la guerre de Duterte contre la drogue, les résidents locaux aident à dresser les listes noires » (Reuters)

« Duterte a tué un fonctionnaire de la Justice, déclare un tueur-à-gages devant le Sénat philippin » (AFP)

Rien sur la lutte pour la justice sociale ! Rien sur la lutte contre l'impérialisme occidental.

La guerre contre la drogue …

Oui, beaucoup de Philippins sont véritablement préoccupés par « le tas de cadavres » et les méthodes de ce gouvernement pourraient être qualifiées de brutales, et même d'intolérables.

Mais la situation n'est pas si simple. Ici, ce n'est pas l'Europe. C'est l'Asie avec sa propre dynamique et ses problèmes culturels. Aux Philippines, le taux de criminalité a atteint des sommets grotesques, inconnus presque partout ailleurs en Asie-Pacifique. Une grande partie de la criminalité est liée à la drogue. Et les gens en ont véritablement marre. Ils exigent une action décisive.

Pendant de nombreuses années, M. Duterte a été maire de Davao, une ville sur l'île de Mindanao. Davao était synonyme de délinquance ; un endroit difficile à vivre, et beaucoup disaient un endroit presque impossible à gouverner.

M. Duterte est honnête. Il admet ouvertement qu'il n'aurait pas duré longtemps comme maire de Davao s'il avait « obéi aux 10 commandements ». Peut-être que personne n'aurait pu.

Il est extrêmement sensible à la critique de son bilan en matière de droits de l'homme. Que cela vienne de l'ONU, de l'UE ou des Etats-Unis, sa réponse est le plus souvent rebelle et cohérente : « Va te faire foutre ! »

Et c'est tout ce qu'on répercutera généralement en Occident.

Ce qui est omis, c'est ce que Rodrigo Duterte explique en général après :

« Vous me parlez des droits de l'homme ? Que dire des millions que vous tuez dans le monde, y compris récemment en Irak, en Libye et en Syrie ? Qu'en est-il du peuple philippin que vous avez massacré ? Et qu'en est-il de votre propre peuple, les Afro-Américains qui sont abattus par la police, tous les jours ? »

Il ne cache pas sa profonde allergie pour l'hypocrisie occidentale. Pendant des siècles, les États-Unis et l'Europe ont tué des millions, pillé des continents entiers, et maintenant se réservent le droit de juger, de critiquer et bousculer les autres. Directement ou à travers les institutions qu'ils contrôlent, comme les Nations Unies. Encore une fois, sa réponse est clairement Sukarno-esque : « Allez au diable, vous et votre aide ! »

Mais vous ne lirez rien de tout ça dans les pages du New York Times ou The Economist. Pour eux, il n'y a que la « guerre contre la drogue », les « victimes innocentes » et bien sûr « l'homme-fort » Duterte.

Mais la situation évolue rapidement.

Récemment, le président Duterte a ordonné l'arrêt d'un exercice militaire, surnommé le « Philippines Amphibious Landing Exercise » (Phiblex). Il avait commencé le 4 octobre et devait durer plus d'une semaine. Environ 1 400 soldats US et 500 soldats philippins étaient engagés dans les jeux de guerre, certains dangereusement proches des eaux près des îles contestées en mer de Chine du sud.

Selon plusieurs grands intellectuels philippins, les Etats-Unis ont utilisé les Philippines pour servir leurs ambitions agressives impérialistes dans la région, en confrontant et en provoquant sans cesse la Chine.

Le gouvernement Duterte est déterminé à se rapprocher beaucoup plus de la Chine et à s'éloigner de l'Occident. Il est très probable que les Philippines et la Chine seront en mesure de résoudre tous les désaccords dans un avenir prévisible. A condition que les Etats-Unis puissent être tenus à l'écart de manière permanente.

Pour démontrer sa bonne volonté envers la Chine, et pour démontrer sa nouvelle indépendance politique, Manille envisage également d'annuler l'ensemble des 28 exercices militaires annuels prévus avec les États-Unis.

Le Président Duterte sait parfaitement ce qui est en jeu. Pour marquer ses 100 jours de fonction, il a donné plusieurs discours enflammés, en reconnaissant que l'Occident pouvait tenter de le renverser, et même de le tuer :

« Vous voulez me renverser ? Vous voulez utiliser la CIA ? Allez-y … Ne vous gênez pas. J'en ai rien à foutre ! Je serais viré ? Parfait. (Dans ce cas), ça fait partie de mon destin. Le destin recouvre tellement de choses. Si je meurs, cela fait partie de mon destin. Ca arrive, que des Présidents soient assassinés. »

C'est vrai. Il leur arrive souvent d'être assassinés.

Mais récemment, l'un après l'autre, des pays du monde entier ont rejoint la coalition anti-impérialiste. Certains sont actifs ; d'autres sont déstabilisés (comme le Brésil), économiquement dévastés (comme le Venezuela) ou entièrement détruites (comme la Syrie). Toutes les nations du refus, de la Russie à la Chine, de la RPDC à l'Iran sont diabolisés par la propagande occidentale et ses médias.

Mais il semble que le monde en a assez. L'Empire est en ruines ; il est pris de panique. Il tue de plus en plus, mais il ne gagne pas.

Les Philippins sont-ils en train de rejoindre cette alliance ? Après seulement 100 jours de pouvoir, il semble que le président Duterte a pris son parti : Plus de servitude ! Plus jamais !

Est-ce qu'il survivra ? Est-ce qu'il continuera sur la même voie ?

Est-il aussi dur-à-cuire qu'il en a l'air ? Il faut avoir des nerfs d'acier pour faire face à l'Empire ! Il faut avoir au moins neuf vies pour survivre aux innombrables et inextricables complots d'assassinat, aux systèmes de propagande sophistiqués, aux supercheries. Est-il prêt pour affronter tout cela ? Il semble que oui.

Les élites de son pays sont totalement inféodées à l'Occident ; comme celles de l'Indonésie et, dans une large mesure, de la Thaïlande et de la Malaisie.

Ce sera un combat difficile. C'est déjà un combat difficile.

Mais la majorité du pays est derrière lui. Pour la première fois dans l'histoire moderne, le peuple Philippin a une chance de prendre son destin en mains, ses propres mains.

Et si l'Occident n'aime pas ce qui se passe à Manille ? Le Président Duterte s'en fiche. Il a déclaré qu'il a déjà préparé beaucoup de contre-questions. Et si l'Occident ne peut pas y répondre :

« Si vous êtes incapables de répondre, fils de pute, rentrez chez vous, bande d'animaux. Je vais vous botter le cul. Ne venez pas me faire chier. Ils ne sont pas plus intelligents que moi, croyez-moi ! »

Il est très probable qu'ils ne le sont pas ; ils ne sont pas plus intelligents que lui. Mais ils sont certainement plus impitoyables, plus brutaux.

De quoi l'accuse-t-on ? D'une « guerre contre la drogue », qui a coûté environ 3 000 vies ?

Combien de vies est-ce que l'Occident (ou ces « fils de pute », comme disent de nombreux Philippins ces jours-ci) a prises depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, partout dans le monde ? 40 ou 50 millions ? Ca dépend de la manière de compter : « directement » ou « indirectement ».

L'Empire tentera très probablement d'assassiner le président Duterte, et probablement bientôt, très bientôt.

Pour survivre, pour continuer à avancer, pour continuer à se battre, à défendre son pays meurtri et exploité, il fera très certainement bien d'oublier définitivement les 10 commandements.

Andre Vltchek

Traduction “soyez durs, soyez doux, de toute façon l'Empire s'occupera de vous” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, Andre Vltchek, 18-10-2016

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La réaction :

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Eh oui, pour l’AFP c’est de “la confusion”…

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Hmmm, ça semblait pourtant clair, non ?

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Cet interlude artistique vous est offert par L’Art Contemporain

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Le 22/10 :

Les Philippines maintiennent leur alliance avec les États-Unis

Le président philippin Rodrigo Duterte a affirmé vendredi 21 octobre ne pas rompre les relations d’alliance avec les États-Unis.

Devant des reporters à Davao, après sa visite d’État en Chine, le président Rodrigo Duterte a ajouté que le maintien des relations avec Washington était du meilleur intérêt pour les Philippines.

Auparavant, le ministre philippin du Commerce, Ramon Lopez, avait affirmé que Manille maintiendrait ses relations économiques et commerciales avec les États-Unis. La déclaration de “séparation” des États-Unis du président philippin avait pour but de souligner son souhait de renforcer ses relations avec la Chine et l’ASEAN, au lieu de ne dépendre que d’une seule partie.

Source : Le courrier.vn, 22/10/2016

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Mais ils ont finalement compris je pense :

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Washington met en garde le controversé président des Philippines

Source : La Presse.ca d’après AFP, 24/10/2016

Les tirades incendiaires du président philippin Rodrigo Duterte provoquent la « consternation » et sont une source d’inquiétude croissante à travers le monde, a jugé lundi à Manille le plus haut diplomate américain pour l’Asie.

Aidons l’AFP : “Le Monde”, c’est surtout le Monde occidental, hein… 1 milliard d’habitants sur 7

Le secrétaire d’État adjoint chargé de l’Asie-Pacifique, Daniel Russel, a rencontré les ministres philippins de la Défense et des Affaires étrangères quelques jours après que le président Duterte eut proclamé la « séparation » entre son pays et Washington.

Samedi, M. Duterte avait toutefois fait machine arrière en déclarant qu’il ne voulait pas torpiller une alliance américano-philippine vieille de 70 ans.

« La succession de déclarations et commentaires controversés, le réel climat d’incertitudes quant aux intentions des Philippines suscitent la consternation dans un certain nombre de pays », a néanmoins critiqué M. Russel.

« Pas seulement le mien et pas seulement parmi les gouvernements, mais aussi les populations, et la communauté des expatriés philippins, également dans les conseils d’administration. Ce n’est pas une tendance positive ».

M. Russel a ajouté avoir transmis au chef de la diplomatie de l’archipel, Perfecto Yasay, les préoccupations de Washington concernant la guerre contre la drogue lancée par le chef d’État philippin. Environ 3700 personnes ont été tuées en moins de quatre mois, ce qui fait craindre des meurtres extrajudiciaires.

M. Russel a « réitéré l’importance que nous accordons, et que d’autres accordent, à l’État de droit, et le fait que le respect des droits des citoyens joue aussi un rôle important dans la protection de nos populations ».

Simultanément à Washington, le département d’État a rendu compte lundi d’une conversation téléphonique, dimanche, entre son patron John Kerry et M. Yasay, son homologue philippin.

Les deux ministres « ont parlé des derniers défis qui affectent la relation », de « la rhétorique déplacée que nous continuons d’entendre des dirigeants philippins et de la confusion que cela provoque », a confié le porte-parole de la diplomatie américaine John Kirby.

Rodrigo Duterte a plusieurs fois exprimé sa colère face aux critiques américaines envers sa politique sécuritaire. Il a qualifié le président Barack Obama de « fils de pute », l’enjoignant d’« aller au diable ».

M. Duterte, qui se dit socialiste et entretient des liens étroits avec les communistes, cherche à s’éloigner des États-Unis pour se rapprocher de la Chine et de la Russie.

Sa sortie sur son divorce d’avec Washington a été faite lors d’un séjour à Pékin.

« L’Amérique a perdu », avait-il dit. « Je me suis réaligné sur votre mouvance idéologique [celle de la Chine] et je vais peut-être me rendre aussi en Russie pour parler au [président Vladimir] Poutine et lui dire qu’on est trois contre le reste du monde: la Chine, les Philippines et la Russie ».

En rentrant aux Philippines, il avait assuré qu’il ne voulait pas la rupture avec Washington. Ce qui ne l’avait pas empêché de se lancer dans une nouvelle tirade antiaméricaine.

« S’il y a un domaine dans lequel l’Amérique a lamentablement échoué, c’est celui de la dignité humaine ». « L’aide américaine ? Vous pouvez aller au diable ! », avait-il lancé.

Le gouvernement philippin a cependant pris livraison lundi d’un avion de transport américain C-130 d’occasion, acheté en vertu d’un accord bilatéral sur la fourniture à Manille d’équipements américains en surplus.

Source : La Presse.ca d’après AFP, 24/10/2016

À suivre – mais ça ne va pas durer longtemps à ce rythme…

Bonus – tout va bien :

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